
« Quand on travaille avec le vivant et le climat, on cumule les imprévus… des tâches que l’on avait pas anticipées s’ajoutent d’une semaine à l’autre. Comment bien s’organiser malgré tout? »
Pourquoi organiser son emploi du temps ?
S’organiser tout au long de l’année permet de :
- Gagner en efficacité et diminuer son temps de travail
- Diminuer la charge mentale et ne pas se laisser déborder
- Prendre du recul sur le temps passé pour chaque activité (vente, production,..) et si besoin mieux répartir ce temps
- Pour les exploitations en collectif ou employant des salarié.e.s : autonomiser chaque personne en listant les tâches et en les répartissant
Comment s’organiser ?
Le temps de travail s’organise à plusieurs échelles temporelles : à l’année, à la semaine et à la journée.
La planification du travail à l’année permet de répartir la charge de travail et de réduire les aléas. Elle intervient généralement en période « creuse » (hiver) et comprend :
- La planification des cultures de l’année suivante : prévision des quantités de graines et de plants, planning des commandes, prévision des dates de semis et de plantation. Etaler ses semis sur plusieurs semaines est une habitude à prendre lors de la planification (d’autant plus lorsque l’on travaille seul) . Pour les légumes de conservation (carotte,..), cela permet d’étaler la charge de travail.
- L’entretien du matériel : tracteur, outils divers, matériel d’irrigation,…
Un agenda numérique ou un tableau blanc utilisé comme semainier et accroché dans un lieu de passage fréquent (la pépinière par exemple) permet d’organiser ses tâches en début de semaine et de suivre leur état d’avancement.
L’agenda numérique a l’avantage de garder en mémoire chaque tâche avec sa durée. Le nombre total d’heures travaillées (à la semaine, au mois, à l’année) et la répartition des heures par catégorie de tâches (commercialisation, production, administratif) peuvent être extraits et analysés afin d‘identifier des pistes d’amélioration.
Comment mieux organiser sa semaine ?

« J’utilise un agenda numérique pour m’organiser, voici une semaine type en pleine saison (S20). Qu’en pensez-vous ? »

Temps total travaillé avant amélioration : 53 heures
Dans la suite, nous allons décortiquer l’emploi du temps de Régis et proposer des améliorations.
1. Faciliter la lecture
Pour une meilleure lisibilité, Régis peut utiliser un code couleur pour distinguer les tâches liées à la production, aux récoltes, à la commercialisation, à l’administratif et aux tâches organisationnelles et préventives.
Les temps colorés en rouge sont, autant que possible, voués à disparaître.


2. Concentrer les temps de production
Les moments liés à la production sont éparpillés au milieu des récoltes et de la commercialisation, or ces dernières peuvent être source de charge mentale et impacter l’efficacité en production. Il est donc conseillé de dédier des journées complètes à la production. Pour ce faire, Régis peut décaler la vente de paniers à la fermes du mercredi au mardi et ainsi dédier le mercredi entier à la production.

Les temps de récolte incluant les éventuels lavages et épluchages ainsi que les conditionnements restent cependant à parfaire.
3,5 heures pour le marché et 1,5 heures pour les paniers semblent insuffisants pour faire une récolte assez diversifiée et abondante.
D’autre part, commencer une récolte le mardi après-midi après une grosse matinée de marché peut s’avérer assez pénible avec en plus la pression d’être prêt pour 17h30.
A noter qu’une permanence pour le remise des paniers n’est pas forcément nécessaire (tout dépend de l’état d’esprit de chacun).
L’emploi du temps suivant propose une optimisation des temps de récoltes !
3. Concentrer les temps de récolte
La concentration des temps de récolte est tout aussi importante, sinon plus, que celle des temps de production. Faire une seule récolte pour 2 débouchés implique une plus grosse récolte mais, au global, permet un gain de temps important et limite la charge mentale.
Il est plus confortable et efficace de concentrer toute les récoltes le lundi, incluant la préparation des paniers. Ainsi le lundi entier est consacré à la récolte et à la préparation des paniers pour un temps de travail de 8 heures.
Sauf en cas de risque de gelée pendant la nuit ou de température élevée le lundi en fin d’après-midi, il est préférable de charger le camion le soir pour être prêt à partir le mardi matin. 1 heure de chargement est surestimé. 30 minutes sont suffisantes pour charger un bon stock de légumes dans le camion. Ce temps peut encore être réduit avec une bonne organisation spatiale et l’utilisation d’outils d’aide à la manutention (diable et mini-palettes par exemple).
Le vendredi, après 4 heures de récolte, une pause méridienne est la bienvenue avant de se lancer dans des tâches de production.

4. Entretenir le matériel pour éviter les mauvaises surprises
1 heure chaque semaine dédiée à la maintenance assure un suivi régulier de tout le parc de matériels.
Ce peu de temps hebdomadaire permet :
- d’avoir du matériel plus agréable à mener (graissage, dé-grippage),
- d’éviter l’usure prématurée et la casse du matériel,
- d’éviter les pertes de temps considérables et la charge mentale associée
- et enfin d’éviter les grosses dépenses de réparation

5. Observer régulièrement les cultures
Comme la maintenance, l’observation régulière en production est à intégrer dans son planning : un tour de parcelles en début de semaine combiné à une gestion climatique journalière des tunnels et de la pépinière permettent de réagir rapidement face aux problèmes.

L’énergie et l’état de vigilance de chacun varient au fil de la journée. Lorsque l’on répartit ses tâches dans son semainier ou son agenda, quelques règles simples existent pour réaliser ses tâches efficacement et éviter les erreurs et accidents dus à un manque de vigilance.
- Ne pas travailler avant 6h car l’état de vigilance est trop faible
- Privilégier les tâches physiques sur les créneaux 8h-11h et 15h-19h
- Pour maintenir la motivation et alterner les postures, alterner les tâches régulièrement (toutes les 90’ maximum). Cette règle est d’autant plus vrai lorsque l’on travaille seul. Mieux vaut fractionner les désherbages manuels pour ne pas entacher sa motivation !
- Quand on travaille à plusieurs, faire des points réguliers avec ses employés (en début de matinée et d’après-midi) permet à chacun de connaître ses tâches et d’éviter des quiproquos chronophages et sources d’erreurs
Si on compare l’emploi du temps initial avec la version finale, on constate :
- une très légère diminution du temps de travail passant de 53 à 51,5 heures
- plus de temps consacré aux tâches productives
- plus de temps consacré aux tâches organisationnelles et préventives, gage d’efficacité
- une organisation plus rationnelle, elle aussi gage d’efficacité
Pour aller + loin : Des outils de planification maraîchère libres de droit existent pour visualiser les tâches à réaliser à l’année, à la semaine ou à la journée. L’outil Brinjel (ex QROP) facilite la gestion globale de l’activité maraîchère et réduit ainsi la charge mentale des maraîchers. Le logiciel est téléchargeable ici.
Article conçu d’après « Outil d’Aide à la Réflexion : Penser son exploitation de manière ergonomique pour rendre le travail efficace et moins pénible » Richir, M. – Wolff M. (2015)
Les maraîchers ne sont quand même pas doués pour se simplifier la vie. Il suffisait d’y penser ! Rajouter une vente à la ferme après une grosse journée de marché, aligner 12h d’amplitude horaire… Le sourire risque d’être un peu forcé en fin de journée ! Heureusement, les légumes sont arrivés tout seuls dans les paniers, puisque le temps de récolte a été tout bonnement supprimé. Ou bien est-ce bobonne qui, en plus d’avoir déposé et récupéré les enfants à l’école, et fait les courses le samedi matin, a accompli ce miracle supplémentaire ?
Bonjour
Merci de votre lecture attentive et de vos remarques au sujet des propositions de planning hebdomadaire.
Je prends le flambeau de ce qui a été fait précédemment.
La démarche d’amélioration progressive du planning point par point me semble intéressante.
Je note dans votre remarque la dimension familiale qu’il faut en effet avoir à l’esprit. Dans le cas de Régis, notre maraîcher « fictif », il n’est pas précisé s’il vit seul ou en couple et s’il a des enfants ou non.
C’est vrai que le contexte de la vie privée a des conséquences sur l’organisation du travail et vice versa. Une organisation raisonnée et raisonnable est le gage d’une entreprise viable à longs termes et d’une vie familiale vivable, agréable et heureuse. Tout est lié !
Merci d’avoir relevé le petit «bug » qui s’était glissé dans la version améliorée du planning sur la journée du mardi. Préparer des paniers de légumes sans récolte avant, ça paraît compliqué …
J’ai donc remédié à cela et j’en ai profité pour revoir quelques détails organisationnels de la semaine.
Une nouvelle proposition de planning est donc en ligne 🙂 !
La journée du mardi représente en effet un temps de travail conséquent. Sur ce point, nul n’est égal face à la charge de travail. Certains le vivent bien, d’autres non. Ce n’est ni bien, ni mal. Il faut simplement veiller à ce qu’une telle charge de travail ne soit pas quotidienne et que le ou la maraîcher-ère ne reste pas enfermée dans son travail au détriment des relations sociales. Ceci est le terreau de l’épuisement et du burn-out qui survient souvent sans qu’on s’en rende compte en l’absence du regard extérieur d’un entourage.
En espérant que ces quelques pistes permettent à certain-e-s de parfaire leur organisation de travail.
Vous souhaitant une bonne saison et de belles récoltes !